En matière de frais de repas, le principe d’égalité entre les télétravailleurs et les autres salariés ne s’applique pas toujours. L’employeur n’est pas tenu d’indemniser la perte de l’accès à la cantine d’entreprise.
Le statut du télétravailleur impose l’égalité de traitement avec les autres salariés. Cette règle, autant issue de l’accord national interprofessionnel de 2005 sur le télétravail que de la législation sur ce sujet, implique que les télétravailleurs bénéficient des mêmes avantages collectifs que les travailleurs sur site. Ce principe n’écarte pas pour autant toute différence de traitement lorsque les salariés sont objectivement placés dans des situations différentes. Les conditions d’attribution de l’avantage collectif peuvent également exclure certains travailleurs selon des critères objectifs (par exemple, la distance domicile-travail).
Le ministère du travail rappelle ce principe d’égalité de traitement pour les télétravailleurs. Il en tire la conclusion que les tickets restaurants et les primes de repas doivent être maintenus pour les salariés qui basculent en télétravail.
En droit de la sécurité sociale, la prise en charge des repas peut correspondre à des frais professionnels ou à un avantage en nature. Les frais professionnels doivent être remboursés par l’employeur. Toutefois, la cantine d’entreprise ne rentre pas dans cette catégorie, qui concerne plutôt les repas d’affaire ou les repas correspondant aux nécessités de service (par exemple, un éducateur devant prendre son repas avec les résidents de l’établissement, dans le cadre de ses missions).
Selon la Cour de cassation, la cantine est un avantage en nature, sauf à démontrer une nécessité de service qui impose au salarié de manger sur place. Cet avantage en nature doit être assujetti à charges. S’agissant d’un avantage en nature, il est une composante de la rémunération du salarié, rendant sa suppression unilatérale par l’employeur impossible.
Toutefois, l’avantage « cantine » bénéficie d’une tolérance de l’Urssaf en raison du caractère modique des sommes concernées. Dès lors que le salarié paye au moins 50 % de la valeur forfaitaire du repas, la somme résultant de l’avantage en nature n’est pas assujettie. En 2020, le montant forfaitaire d’un repas est fixé à 4,90 euros. Le salarié doit donc payer au moins 2,45 euros sur chaque repas pour que l’avantage repas ne soit pas considéré comme un avantage en nature. En pratique, il est rarissime que cet avantage repas soit valorisé comme un avantage en nature.
Si l’avantage en nature n’est pas constitué, alors il n’y a pas lieu de valoriser la perte du bénéfice de la cantine afin de prévoir une compensation pour les salariés en télétravail. En effet, si cet avantage n’est pas un avantage en nature, il ne fait pas partie de la rémunération du salarié. Il n’existe donc pas d’obligation particulière d’indemniser le salarié. Si l’on retenait l’hypothèse contraire, l’entreprise serait tenue d’indemniser également le fait de ne pas pouvoir accéder à la machine à café à tarif préférentiel, au stationnement gratuit de l’entreprise, etc.
L’entreprise peut être mieux-disante et intégrer dans sa réflexion la perte de l’avantage lié à la cantine. Il existe plusieurs manières de le faire. La plus cohérente serait d’intégrer le sujet aux valorisations de frais exposés par le télétravailleur. On pourrait ainsi envisager d’intégrer les frais de repas comme une composante du calcul de l’indemnité d’occupation. Les modalités de fixation du montant de cette indemnité (destinée à compenser l’utilisation du domicile à titre professionnel) sont libres. Il est donc possible d’ouvrir ce sujet à la négociation dans le cadre d’un accord collectif, ou d’en tenir compte lors de l’élaboration de la charte unilatérale.
Mais dès lors qu’il ne s’agit pas d’indemniser une obligation liée à une nécessité de service, la somme versée au salarié sera soumise à cotisations.
Globalement, la question des frais de nourriture est à replacer dans la logique d’encadrement du télétravail. Toutes les questions liés aux frais professionnels ont leur place dans l’élaboration des accords collectifs ou de la charte sur le télétravail. Plus on cadre les choses, plus on favorise la sérénité de la relation de travail avec le télétravailleur, ce qui participe à la prévention des facteurs de risques psycho-sociaux liés au télétravail.
Notons toutefois que si la cantine pose en principe peu de problèmes – car rien n’oblige à indemniser le salarié qui perd l’utilisation de ce service – tel n’est pas le cas pour les tickets restaurant ou les primes de repas. Si l’employeur attribue à ses salariés des titres restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en bénéficier, en vertu du principe d’égalité. Toutefois, il est possible de subordonner l’attribution de cet avantage à certains critères, à condition qu’ils soient objectifs, et s’appliquent autant aux télétravailleurs qu’aux salariés exerçant dans l’entreprise. Par exemple, le fait d’habiter à une certaine distance du lieu de travail.
Quand aux primes de panier repas, elles correspondent à une sujétion particulière qui empêche le salarié de rentrer chez lui. Les maintenir pour les salariés en télétravail ne se justifie donc pas forcément, et peut entrainer un risque de redressement Urssaf pour l’employeur.
Plus généralement, la question des frais de repas en télétravail rappelle la nécessité pour l’entreprise de bien structurer son recours au télétravail via un accord collectif ou une charte. L’égalité de traitement doit guider la réflexion sur les garanties maintenues pour les télétravailleurs mais elle ne suppose pas nécessairement un maintien absolu de tous les avantages dont bénéficient les salariés présents sur site.